Une charte des valeurs?

Disons les choses telles qu’elles sont, sans détour…

Vous développez un trouble anxieux à la suite d’un accident de travail? Rassurez-vous : l’État vous aidera en couvrant les frais d’un traitement, y compris les frais d’une psychothérapie si c’est nécessaire.

Votre fils s’est suicidé? Eh bien…

Plus de 20 % des Québécois âgés de 15 ans et plus ont souffert d’un trouble mental comme un trouble dépressif ou un trouble de l’humeur à un moment ou à un autre de leur vie. Bien que les coûts associés aux problèmes de santé mentale soient toujours difficiles à évaluer, on estime qu’au Canada la maladie mentale représenterait près de 50 milliards de dollars en coûts directs (par exemple pour les soins) et en prestations versées pour invalidité au travail, sans compter les dépenses diverses encourues par nos entreprises, notre système de justice et notre système d’éducation. Je pourrais évidemment vous présenter d’autres chiffres, tous plus alarmants les uns que les autres : selon les estimations les plus récentes, les coûts associés aux problèmes de santé mentale seraient équivalents à près de 4 % du PIB des pays industrialisés.

Au Québec, les coûts liés aux problèmes de santé mentale représenteraient près de 8 % des dépenses de l’ensemble des programmes consacrés à la santé et aux services sociaux, pourcentage malgré tout inférieur à celui de la majorité des pays à l’avant-garde en matière de soins de santé. Toujours au Québec, environ le quart des patients consulteraient un médecin pour des troubles mentaux et bénéficieraient de deux fois plus d’actes médicaux que les personnes consultant pour d’autres raisons. Et rien n’indique que la situation s’améliorera : selon l’Organisation mondiale de la Santé et selon les études épidémiologiques les plus récentes, les troubles mentaux seront bientôt la principale cause de morbidité dans le monde…

Ces quelques chiffres font réfléchir, certes. Mais il ne faut pas oublier les autres coûts liés aux problèmes de santé mentale; ceux qui sont plus difficiles à documenter et ceux qu’on ne peut traduire en dollars ou en pourcentages sans en perdre le véritable sens. Vingt pour cent de Québécois qui ont souffert, à un moment ou un autre, de problèmes de santé mentale, ce n’est pas seulement une personne sur cinq, c’est aussi un ami sur cinq, un parent sur cinq, un collègue sur cinq. La souffrance de l’individu devient alors celle de toute la famille, la vôtre ou celle de votre voisin. Malheureusement, au Québec, peu d’options de traitement existent, la psychothérapie n’étant pas remboursée par l’État. Votre fils s’est suicidé et vous avez besoin d’aide? Alors, puisez dans vos poches…

Nous parlons beaucoup de valeurs depuis quelque temps. La Bible, la Torah et le Coran… sacré. L’égalité homme femme… sacrée. L’équité et l’accès aux services… monnayables?  Je vous propose d’en parler, d’en discuter et d’en débattre au cours des prochains mois.

 

4 commentaires pour "Une charte des valeurs?"

  1. Je travaille en santé mentale et j’ai travaillé au Module d’évaluation-liaison de mon établissement. N’ayant pas de ressources où les diriger, les médecins de famille les dirigeaient chez nous. Souvent, plusieurs personnes auraient eu besoin d’un suivi psychothérapeutique suite à mon évaluation et plusieurs n’avaient pas les assurances ou les moyens pour voir un psychothérapeute en privée. L’accès aux services du CLSC était souvent de plus de trois mois. Peu d’obtions s’offraient à ces personnes. J’espère que dans un avenir raproché, l’accès à la psychothérapie soit une priorité.

     
  2. Martin Drapeau

    Que vous avez raison! C’est bien là le problème… Les médecins, notamment les médecins de famille, ne demanderaient qu’à pouvoir référer à des professionnels pour de la psychothérapie mais immanquablement, on en arrive à la fameuse question : « avez-vous les moyens de payer pour cette psychothérapie? ». Face à une réponse négative, il ne reste souvent plus que l’option pharmacologique. La psychopharmacologie est certes souvent indiquée, soit seule ou encore en combinaison avec de la psychothérapie, cela évidemment selon le trouble présenté. Ceci ne peut être remis en question. Par contre, il faut se questionner, en tant que professionnel mais aussi en tant que bon citoyen, lorsque le traitement proposé tient plus à une question de finance que de bonnes pratiques cliniques. Dans la foulée de ce que vous proposez, mon équipe de recherche à McGill mène actuellement une étude auprès des psychologues et psychothérapeutes afin de comprendre comment l’accès à la psychothérapie pourra it être facilité. Nous avons déjà quelques résultats préliminaires (que j’aborderai dans mon prochain blogue dans la nouvelle année). A suivre!

     
  3. Comme médecin omnipraticien répondant dans une équipe de santé mentale adulte, je serais très intéressé à connaître le fruit de recherches portant sur l’amélioration de l’accessibilité à la psychothérapie. Dans un contexte de pénurie de ressources, quelle approche privilégiée?

     
  4. Martin Drapeau

    Question Oh combien pertinente, Dre. Boudreault! Je brûle d’envie d’entrer dans le vif du sujet et d’y répondre, tout de suite et à chaud, car il existe effectivement différentes options; nous en savons déjà tellement sur ce qui s’est fait ailleurs (il suffit de jeter un coup d’œil aux programmes mis en place au Royaume Uni et en Australie), y compris sur qui a très bien et moins bien fonctionné. D’autant que nous avons au Québec aussi des modèles qui pourraient nous inspirer… pourquoi pas une assurance psychothérapie comme l’assurance médicament? Avec plus de la moitié des psychologues canadiens qui exercent au Québec, dont un nombre considérable qui exerce en cabinet privé, ne pourrait-on pas envisager rembourser en partie les services qui seraient offerts au privé? Mais voilà, j’en ai déjà trop dit. Je m’étais promis, en acceptant de tenir ce blogue, que je procéderais par étape. La prochaine question à se poser, avant de se demander comment on offrira la psychothérapie, serait donc de voir si effectivement la psychothérapie vaut la peine d’être offerte. Est-ce que ça aide, une psychothérapie? La réponse est « oui » mais cela vaut la peine d’en discuter d’avantage. Après, et c’est une promesse, nous reviendrons sur ce que nous pourrions mettre en place et surtout, sur comment nous pourrions le faire.

     

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