Le défi de l’approche intégrée

L’environnement scolaire connaît des changements accélérés depuis les années 1990, lesquels visent une meilleure efficacité du système scolaire (lutte contre le décrochage et défi de la réussite de tous). La santé des jeunes est également ciblée, notamment par des approches comme « École en santé ». Ce type d’approche commence à se déployer dans les cégeps, en raison des études qui révèlent les risques accrus de détresse psychologique chez les jeunes en transition vers la vie adulte.

Certaines recherches indiquent que les interventions fragmentées et éparpillées conduisent à l’essoufflement des acteurs chargés de la mise en œuvre de ces approches. Par ailleurs, d’autres recherches indiquent que le tiers des professionnels et des enseignants du système scolaire québécois présente un risque élevé d’épuisement professionnel, et que le tiers des absences de longue durée au travail est attribuable à des problèmes de santé mentale. Ces données soulignent qu’il est également important de tenir compte de la santé du personnel et du climat organisationnel dans le cadre d’approches comme « École en santé ».

Les approches en promotion et prévention sont maintenant de plus en plus globales, et touchent autant à l’environnement qu’à la personne dans sa dimension physique et psychologique. Bien que celles-ci reposent sur la concertation de l’ensemble des acteurs concernés (gestionnaires, enseignants, professionnels, étudiants…), le défi consiste maintenant à intégrer la santé aux pratiques de gestion, pour qu’un réel changement de culture orientée vers la santé organisationnelle soit possible. L’approche intégrée renvoie ainsi à deux aspects en particulier :

  • Les pratiques de gestion qui touchent directement les habiletés humaines de chacun des gestionnaires (ex. : gestion collaborative, reconnaissance, communication interpersonnelle, empathie…)
  • Les routines organisationnelles qui font référence à l’intégration de la santé aux pratiques de l’organisation (ex. : politique des ressources humaines relative à la santé, formation des gestionnaires sur la santé au travail, éléments touchant la santé dans l’évaluation du rendement des gestionnaires).

Si la santé du personnel est à la fois un ingrédient et un déterminant, un moyen et un résultat pour une « institution scolaire en santé », ce n’est que par l’engagement concret et visible de la direction qu’un changement de culture organisationnelle sera possible. Dans cette perspective, la santé du personnel doit être envisagée comme un levier vers la mobilisation pour le développement d’approches globales, concertées et intégrées.

 

2 commentaires pour "Le défi de l’approche intégrée"

  1. Le point que vous soulevez est loin d’être banal! Les mauvaises pratiques de gestion sont en effet répandues dans plusieurs entreprises, la performance étant souvent priorisée au détriment de la santé. Effectivement, les interventions éparpillées contribuent à l’essoufflement du personnel, cependant, est-il envisageable d’intervenir sur les pratiques de gestion sans perpétuer cet essoufflement ? Qu’on le veuille ou non, la mobilisation des acteurs et l’implantation de mécanismes requiert du temps et des efforts considérables.

    À titre indicatif, je m’intéresse depuis peu au mouvement des Hôpitaux et services de santé promoteurs de la santé, qui vise à intégrer la promotion de la santé dans la culture, la pratique et la structure organisationnelle des établissements de santé. Le mouvement est composé de 5 normes dont une sur le Développement d’un milieu de travail sain, qui elle-même est composée de divers objectifs comme soutenir le bien-être des employés et les pratiques de gestion efficaces. L’organisation où je travaille a adhéré à ce mouvement en 2007, cependant, compte tenu des ressources disponibles limitées et des attentes élevées des employés envers les interventions liées aux saines habitudes de vie, il n’a pas été possible pour le moment de déployer les mécanismes liés aux saines pratiques de gestion.

    Dans ce sens, je crois qu’il est essentiel d’intégrer la santé organisationnelle dans nos actions si l’on veut éventuellement améliorer la santé des individus, cependant, les pratiques de gestion ne doivent pas seulement être vues comme un levier mais aussi comme une composante qui nécessite la mise en place de mécanismes concrets.

     
  2. Emmanuel Poirel

    Vous avez raison : il y a un risque de perpétuer l’essoufflement en intervenant sur les pratiques de gestion dans un contexte où l’on demande constamment d’en faire plus avec moins. Il ne s’agit cependant pas d’intervenir sur les pratiques de gestion, mais bien sur la santé des personnes et sur celle de l’entreprise, sans pour autant ajouter des tâches à la charge de travail déjà lourde des gestionnaires. Il ne faut pas non plus se « rendre malade avec la santé » : tout est question de cohérence. Considérons donc les gestionnaires comme tous les autres membres des ressources humaines. Ils doivent s’occuper non seulement de la santé de leurs employés, mais également de la leur. Comment peut-on se préoccuper de la santé physique et psychologique de ses employés si on n’est pas soi-même en bonne santé?

    Je crois que vous faites référence à la norme « Entreprise en santé » que je connais très bien, ayant moi-même fait partie du comité qui l’a élaborée. Selon cette norme, il est nécessaire d’intervenir dans quatre sphères d’activités associées à la santé au travail :

    • promotion de saines habitudes de vie;
    • pratiques organisationnelles favorisant l’équilibre entre travail et vie personnelle;
    • environnement sain et sécuritaire; et
    • pratiques de gestion.

    Ces quatre sphères sont toutefois interdépendantes. Compte tenu de ce cadre, je suis tout à fait d’accord avec vous : les pratiques de gestion ne sont pas uniquement des leviers, mais elles sont également des composantes de la santé organisationnelle.

    Dans cette perspective, il ne suffit pas de déployer des mécanismes liés aux saines pratiques de gestion; il faut surtout intégrer la santé aux pratiques de gestion ou, comme vous le dites si justement, intégrer la santé organisationnelle dans nos actions. Pour ce faire, il est essentiel de faire participer tous les gestionnaires à la démarche de santé, et ce, à partir de la définition des objectifs jusqu’aux retombées anticipées. La perspective des gestionnaires sur le travail et sur son organisation par rapport à la santé (celle de leur personnel et la leur), et l’adhésion aux objectifs poursuivis sont essentielles à une démarche intégrée et solidaire de santé organisationnelle.

    Comme vous l’avez mentionné, la mobilisation des différents joueurs en vue de l’implantation d’une démarche de santé organisationnelle requiert beaucoup de temps et d’efforts. Heureusement, malgré les obstacles, il existe des exemples de réussite qui démontrent l’importance d’un leadership mobilisateur, mais surtout d’une conviction soutenue par la haute direction et donc forcément intégrée aux pratiques de gestion de l’organisation.

     

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