De la santé mentale au bien-être au travail : changement de terminologie ou de stratégie ?

Nous assistons depuis quelques années à un changement de discours en ce qui concerne la problématique de la santé mentale au travail. Dans le but d’utiliser un vocabulaire moins dérangeant pour les entreprises, plutôt que de parler de santé mentale ou de stress, nous parlons dorénavant de santé psychologique et de bien-être au travail. Cette évolution a également été observée dans les publications scientifiques sur le stress au travail dont le nombre a connu une croissance marquée jusqu’au début des années 2000, puis a plafonné. L’utilisation de cette terminologie a même eu tendance à décroitre au début des années 2010[1][2] . Ce changement de discours pourrait être justifié par un simple changement de terminologie, puisqu’il est toujours question de la même chose, c’est-à-dire que le bien-être est partie intégrante de la définition de la santé mentale au travail[3].

Même si le terme « bien-être » comporte une dimension moins accusatrice pour les entreprises, il ne doit pas faire oublier ou occulter l’obligation générale de prévention des risques à la santé qu’ont les entreprises dans les pays occidentaux. Ainsi, au Québec, la Loi sur la santé et la sécurité du travail précise que l’employeur doit :

  • s’assurer que l’organisation du travail ainsi que les méthodes et techniques utilisées pour accomplir le travail sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur (LSST, art 51.3).
  • utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs (LSST, art 51.5).

Ces obligations légales concernent bien évidemment la prévention des risques pour la santé mentale. De plus, la Loi sur les normes du travail interdit toute forme de harcèlement au travail (LNT, art 81.19).

Dans un prochain blogue, nous verrons pourquoi, au-delà de ces obligations légales, la prévention des risques psychosociaux (RPS) est un préalable à la promotion du bien-être au travail.


[1] Väänänen, A., Murray, M. & Kuokkanen, A. (2014). The growth and the stagnation of work stress: Publication trends and scientific representations 1960-2011. History of the Human Sciences, 27(4): 116-138.

[2] Wainwright, D. & Calnan, M. (2011) ‘The Fall of Work Stress and the Rise of Wellbeing’, in Vickerstaff, S., Phillipson, C. & Wilkie, R. Work, Health and Wellbeing: The Challenges of Managing Health at Work. Bristol, Avon: Policy Press, pp. 161–86.

[3] OMS. (2014). 10 faits sur la santé mentale (http://www.who.int/features/factfiles/mental_health/fr/)

 

Un commentaire pour "De la santé mentale au bien-être au travail : changement de terminologie ou de stratégie ?"

  1. C’est est un blogue très intéressant et il apporte des points importants concernant l’évolution de la santé mentale au milieu de travail en modifiant la terminologie utilisée.

    Même si elle peut sembler une stratégie simple, mais les modifications de la terminologie est une stratégie remarquable pour plusieurs raisons. La santé mentale, ou plus particulièrement les maladies mentales, est un aspect très important de la santé qui a longtemps été négligé en raison de la stigmatisation. Par conséquent, cela a servi comme une première étape pour motiver les entreprises à considérer la santé mentale au travail. Ou plus précisément, cela a rendu les entreprises moins découragé d’aborder ce sujet car il est présenté d’une manière positive au lieu d’une manière négative.

    Le deuxième point que je voudrais aborder est la loi sur la santé et la sécurité du travail. Il y a plusieurs lois, comme mentionné dans le blogue, qui traitent de la santé en milieu de travail, et qui comprend théoriquement la santé mentale en milieu de travail. Cependant, ces lois ont tendance malheureusement à se concentrer sur la santé visible, principalement la santé physique, plutôt que les aspects de la santé mentale qui sont moins directement visible. Par conséquent, plus de travaux doit être fait ici afin d’y inclure la santé mentale plus clairement dans ces lois, avec des critères spécifiques afin de protéger adéquatement les employés. Ce qui, à son tour, offre divers avantages pour l’employeur aussi.

    Cela étant dit, les stratégies utilisées jusqu’à présent se sont avérées excellentes en ce qui concerne l’introduction de ce sujet en le milieu de travail. Ce fut une première étape, toutefois, afin de continuer à faire progresser la santé mentale en milieu de travail, les interventions doivent être effectuées de manière plus rigoureuse. Étant donné que maintenant il y a plus d’études relatives à la performance des employés et le retour sur investissement des programmes de santé mentale au travail, pour aller de l’avant, je pense que cela pourrait être utilisé comme une nouvelle stratégie pour inciter les employeurs à intégrer des programmes de santé mentale ou d’être plus sensibiliser aux facteurs de risque et aux facteurs de protection de santé mentale.

     

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