Un enjeu de santé publique incontournable
Les deux dernières décennies ont été marquées par de profondes transformations du travail et des liens d’emploi. Au chapitre de l’organisation du travail, les changements se sont surtout caractérisés par une intensification du travail imposée par de nouveaux modes de gestion, entraînant une augmentation de la cadence et du rythme de travail, un contrôle plus serré de la production individuelle et la chasse aux temps morts. En somme, une recherche poussée du fonctionnement optimal avec un minimum d’effectifs. Dans un contexte d’intensification du travail, cette réduction de l’autonomie du travailleur accroît la tension par manque de temps, d’information et d’interactions utiles avec les collègues ou le supérieur hiérarchique.
Les transformations du travail ont souvent été analysées pour les bienfaits économiques qu’elles procurent aux entreprises dans un marché mondialisé. Toutefois, plusieurs études ont montré que de telles tensions au travail, subies durant de longues périodes, peuvent entraîner l’apparition de maladies diverses affectant la santé mentale, de même que le système musculo-squelettique ou cardiovasculaire. Ces conséquences entraînent d’importants coûts sur les plans économique et social comme en témoigne notamment l’augmentation continue de l’absentéisme au travail pour des problèmes de santé mentale, lesquels représentent la principale cause d’absentéisme de longue durée.
L’identification des aspects de l’organisation du travail globalement plus nocifs que les autres nécessite le recours à des modèles validés. Ces derniers identifient certaines dimensions psychosociales de l’environnement de travail dont l’effet pathogène sur les travailleurs exposés est prouvé par des données empiriques. En plus de réduire la complexité de la réalité psychosociale du travail à des composantes significatives en fonction de risques pour la santé, ces modèles facilitent l’élaboration et la mise en œuvre d’interventions préventives en milieu de travail. Il existe actuellement deux modèles de risques psychosociaux reconnus internationalement en raison de leur apport considérable aux connaissances scientifiques sur l’importance des liens entre certains phénomènes sociaux et psychologiques au travail et l’apparition de plusieurs maladies. Le premier modèle, appelé « demande-autonomie-soutien au travail » (ou modèle de Karasek), repose sur le constat qu’une situation de travail qui se caractérise par une combinaison de demandes psychologiques élevées, d’une autonomie décisionnelle et d’un soutien social faibles, augmente le risque de développer un problème de santé physique et mentale. Le second modèle, appelé « déséquilibre : effort/récompense » (ou modèle de Siegrist), repose sur le constat qu’une situation de travail caractérisée par l’association d’efforts considérables à des récompenses minimes s’accompagne de réactions pathologiques sur les plans émotionnel et physiologique.
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2 commentaires pour "Un enjeu de santé publique incontournable"
La mondialisation des marchés et la concurrence entre les entreprises poussent les administrateurs vers des modes de gestion axés principalement sur la rentabilité économique. Il est pertinent de s’interroger aussi sur les structures organisationnelles des entreprises. Ces structures et processus qui encadrent les dirigeants et les travailleurs ont des répercussions sur plusieurs dimensions psychosociales des employés. À l’heure actuelle, un nombre considérable d’entreprises sont modelées d’un design organisationnel où il prévaut une structure hiérarchique de contrôle, d’autorité et de communication. Les directives proviennent du sommet de la structure et elles sont retransmises par des canaux de communication verticaux. Cette façon de fonctionner joue inévitablement sur l’autonomie décisionnelle expliquée dans le modèle de Karasek. Dans ces milieux de travail, on retrouve souvent des taches spécifiques qui limitent la marge de manœuvre des employés. Une limitation de l’autonomie décisionnelle mêlée à une gestion centrée sur la tache peut contribuer au développement de problèmes de santé mentale en milieu de travail. Finalement, il y a lieu de s’interroger non seulement sur les modes de gestion, mais aussi sur la structure organisationnelle elle-même. Le bien-être et la satisfaction des employés au travail sont des éléments essentiels pour la prospérité d’une entreprise.
Je suis d’accord à croire que l’utilisation de modèles théoriques comme base pour les interventions dans les lieux de travail serait bénéfique, car elles permettent de mettre les enjeux du milieu de travail dans un contexte objectif. Même si je crois que les entreprises occidentales font des progrès en matière de comprendre la valeur d’avoir des travailleurs exempts de problèmes physiques, je pense qu’il reste un long chemin à parcourir pour reconnaître que la santé mentale est un aspect intégrant pour une entreprise rentable. Une des raisons pour lesquelles les maladies mentales ne bénéficient pas du même niveau de légitimité est à cause de l’intangibilité de ses symptômes. Structurer une intervention basée sur les modèles de Siegrist et de Karasek fait recours au côté logique des gestionnaires. En décomposant la chaîne causale des problèmes physiques ou mentaux jusqu’aux problèmes de santé potentiellement irréversibles, le gestionnaire est en mesure d’utiliser leur sens des affaires pour réaliser l’importance financière de la prévention en milieu de travail. Les modèles permettent également aux gestionnaires de mieux conceptualiser et de légitimer les conditions mentales. Si les interventions en milieu de travail sont pour êtres efficaces, le message d’une bonne santé pour les employés doit être livré avec les notions de coût-efficacité et d’objectivité.
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