Évolution des politiques

Jusqu’aux années 1960, les services offerts aux personnes ayant un problème de santé mentale relèvent surtout des hôpitaux psychiatriques. Ils accueillent souvent plusieurs milliers de « malades », ont essentiellement une fonction de gardiennage et n’offrent que peu de traitements structurés. Plusieurs facteurs ont toutefois fait en sorte que les choses changent très rapidement : l’introduction des neuroleptiques, la mise au point de programmes de spécialisation médicale en psychiatrie et surtout, la dénonciation par les usagers eux-mêmes des conditions de vie dans ces hôpitaux.

Le rapport de la Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques (1961-1962) entraîne un vaste mouvement de désinstitutionnalisation, le développement de la psychiatrie communautaire, la mise en place de services de psychiatrie dans les hôpitaux généraux, faisant appel à diverses disciplines spécialisées, et l’élargissement de l’offre de services. Dès lors, le secteur de la santé mentale devient le creuset d’expériences reprises dans d’autres secteurs : développement des ressources communautaires, régionalisation, défense des droits des usagers, création du Comité de la santé mentale du Québec.

Les travaux de ce Comité jettent les assises de la Politique de santé mentale adoptée en 1989. Elle est élaborée en grande partie par des acteurs extérieurs au gouvernement comprenant non seulement des cliniciens et des décideurs, mais aussi des représentants d’usagers, de proches et du milieu communautaire. Cette politique précède de trois ans la politique plus générale de santé et de services sociaux qui en reprendra les mêmes grandes orientations : primauté de la personne, reconnaissance du rôle des ressources communautaires, partenariat, régionalisation, dispensation des services dans le milieu de vie.

Malgré la vision large et novatrice présentée dans cette politique et l’accueil favorable qu’elle a reçu, sa mise en œuvre a été plus laborieuse que prévu, et plusieurs grands pans du projet original n’ont jamais vu le jour. À la suite du bilan de son implantation, réalisée en 1995-1996, le ministère de la Santé et des Services sociaux a proposé des orientations qui, après consultation, ont donné lieu, en 1998, au Plan d’action pour la transformation des services de santé mentale. Encore plus que la Politique, le document insiste sur l’offre de services destinés aux personnes atteintes de troubles graves et persistants; on n’y fait pour ainsi dire pas mention des troubles transitoires comme la dépression ou l’anxiété qui touchent un très grand nombre de personnes ni d’actions dans le domaine de la promotion de la santé et de la prévention, comme la prévention du suicide. C’est en particulier sur ces aspects que le Plan d’action en santé mentale 2005-2010 se démarquera. Les grandes lignes de ce plan sont brièvement décrites dans le bulletin Quintessence de mars 2011. La période couverte par ce plan étant achevée, d’autres orientations sont attendues à court terme.

 

2 commentaires pour "Évolution des politiques"

  1. Bonjour,

    Article bien intéressant, il mériterait d’être plus long!

    J’ai une petite question. Je trouve bien intriguante la question de la place ou non de la toxicomanie dans les soins médicaux et je me demandais justement quelle place celle-ci occupe dans les politiques que vous décrivez.

    Merci à l’avance.

     
  2. L’évolution des politiques en santé mentale est un sujet passionnant qui mérite qu’on s’y attarde. En effet, cela représente d’une certaine façon le reflet des mentalités et du regard sociétal que les décennies ont posé sur la maladie mentale et la personne concernée par cette problématique. Toutefois, comme il est mentionné dans l’article, malgré un accueil pouvant être favorable aux grands changements annoncés – tel la Politique de la santé mentale adoptée en 1989 – leur mise en œuvre se retrouve souvent confrontée à un aléa de problèmes et de résistance sous-estimés de la part des acteurs concernés.

    C’est à mon avis – en tant que professionnelle de la santé travaillant en 2e ligne – ce qui s’est également passé avec l’application sur le terrain du Plan d’Action en Santé Mentale 2005-2010. En effet, dans ces grands bouleversements, les aspects émotifs et psychologiques tant des professionnels et que des usagers sont souvent laissés pour compte, quoiqu’ils soient les premiers concernés pas ces réformes. Ainsi, dans l’établissement de 2e ligne où je travaillais, beaucoup de résistance liée aux changements et aux transferts vers la 1re ligne a été observée, freinant ainsi l’atteinte des objectifs prévus par le ministère. Encore à ce jour, soit près de sept ans après l’annonce du Plan d’Action, les mécanismes de transferts et de liaison entre les 1re et 2 lignes ne sont pas encore réalisés dans l’ensemble des CSSS et l’accessibilité et la continuité des services restent un enjeu majeur.

    Ceci dit, plusieurs avancées et retombées positives ont été observées depuis 2005 dans les CSSS du Québec, notamment au niveau de la création des services et des équipes en santé mentale jeunesse et adultes, mais les disparités entre ces derniers restent bien présentes. Il sera donc intéressant de voir comment le gouvernement s’attaquera à cette réalité territoriale lors du prochain plan d’action 2012-2017.

     

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