Première ligne en santé mentale au Brésil : un modèle différent

J’arrive tout juste d’un séjour de plusieurs semaines au Brésil où j’ai pu constater plusieurs différences avec le Québec dans le fonctionnement des services, notamment dans l’organisation des services de première ligne en santé mentale. Ce pays a pris le virage de l’intégration de la santé mentale en première ligne sensiblement en même temps que nous (dans les années 2000). Toutefois, le modèle adopté est quelque peu différent du nôtre.

Au Brésil, les services publics généraux de première ligne sont fournis par les équipes de santé de la famille (ESF), sous la responsabilité des municipalités. Ces équipes, répandues partout au pays, sont généralement composées de médecins généralistes, d’infirmiers, de techniciens infirmiers et d’agents communautaires. Elles sont responsables de la promotion, de la prévention, de la récupération, du traitement des maladies les plus courantes et du suivi de la santé des familles. On s’attend à ce que ces équipes s’occupent aussi bien de la santé mentale que de la santé physique. Les services spécialisés en santé mentale sont offerts dans la communauté par les CAPS (Centros de Atenção Psicossocial – Centres de services psychosociaux) qui sont sous la responsabilité du ministère de la Santé. Les ESF peuvent orienter les clients qui présentent des problèmes de santé mentale vers les CAPS, mais on s’attend à ce qu’elles puissent traiter elles-mêmes une grande partie des cas. Deux stratégies principales sont préconisées pour assurer le succès de ce modèle :

  1. la formation initiale et continue en santé mentale pour les intervenants des ESF;
  2. le renforcement des liens entre les ESF et les CAPS.

Au Québec, par rapport au Brésil, les CLSC offrent probablement l’équivalent des ESF, mais ils sont dotés en plus d’équipes dédiées à la santé mentale. Par ailleurs, nous avons également des équipes de deuxième ligne en santé mentale (équivalent des CAPS), habituellement établies dans les hôpitaux. C’est comme si nous avions un niveau de plus qu’au Brésil pour servir la clientèle présentant des problèmes de santé mentale. Cela m’amène à poser les questions suivantes :

  1. Ce niveau supplémentaire constitue-t-il un réel avantage?
  2. Quelle est l’efficience (rapport coût/efficacité) de chacun de ces deux modèles?
  3. Dans un contexte financier où nous avons du mal à former les équipes de santé mentale dans l’ensemble de la province (40 % des effectifs requis, selon le MSSS en 2013), le modèle brésilien serait-il à considérer?

Il s’agit là de questions importantes et j’aimerais connaître vos commentaires et questions pour alimenter mes réflexions et mes recherches à ce sujet.

 

2 commentaires pour "Première ligne en santé mentale au Brésil : un modèle différent"

  1. Bonjour,
    Très intéressant. Il faudrait regarder la composition des équipes santé mentale en première ligne au Québec. Il y a certains CSSS qui n’ont pas d’infirmières dans l’équipe santé mentale. L’évaluation de l’état de santé mentale et physique est à mon avis un levier important dans le suivi de cette clientèle vulnérable. L’infirmière doit faire partie intégrante de ces équipes en 1ere ligne.

    Pour la 2ème ligne, il faudrait regarder ce que font les équipes comme suivi (équipes SIV et SIM, suivi du Clozaril). Je suis d’accord pour que le suivi de cette clientèle soit plus global c’est -à-dire prendre en considération le suivi de l’état physique de base (ex: suivi des pts diabétiques et ayant un trouble mental, etc.)

    Je trouve que notre système actuellement n’est pas efficient. Les équipes de 2ème ligne devraient se retrouver en 1ere ligne (du moins le SIV). Il faudrait vérifier aussi l’offre de service des équipes de santé mentale au québec afin de voir s’ils sont conformes aux bonnes pratiques. De plus, certains organismes communautaires offrent aussi les mêmes services. Donc,, il y a dédoublage. Aussi, je trouve que de demander de faire des statistiques ne permet pas d’être efficient, c’est une lourdeur administrative. Y a-t-il ce fonctionnement au Brésil?

    Je pense qu’il serait important de mettre dans les GMF des infirmières spécialisées en santé mentale car la clientèle se dépiste en grande partie là.

     
  2. Les questions posées sur votre blogue sont très pertinentes. J’aimerais attirer votre attention sur de nouveaux postes de psychologue en GMF.

    Il y a un an, le CSSS Pierre-Boucher a engagé 11 professionnels répartis dans 3 GMF (psychologues, infirmiers santé mentale, nutritionnistes, travailleurs sociaux et kinésiologues). Nous recevons essentiellement presque toute la clientèle santé mentale du GMF. Nous devons faire le pont avec la 2e ligne lorsque nécessaire. Considérant qu’il s’agit de nouveaux postes, des arrimages restent à construire entre notre service et celui de la 1ere et 2e ligne. Cela dit, comme le modèle Brésilien, nous sommes en mesure d’assurer une grande partie des suivis. Je travaille en étroite collaboration avec un infirmier santé mentale, ce qui permet de trier les cas, de prioriser. Il s’occupe également de réviser la médication et de communiquer avec le médecin qui fait le changement si pertinent. Je crois que cette façon de travailler en collaboration nous permet d’être plus efficaces, en plus de dégager les médecins. J’ai bien l’impression qu’il s’agit là d’un modèle différent de ce qui est implanté dans la majorité des CISSS et que cela mérite que nous portions attention à leur émergence. Il pourrait être intéressant que de futures recherches s’y consacrent advenant que d’autres initiatives comme celle-ci soient implantées dans le réseau.

    Nathalie Lussier, Ph.D., psychologue
    GMF Marguerite d’Youville
    CISSS de la Montérégie-Est

     

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