La recherche participative communautaire : un outil pour l’augmentation du pouvoir d’agir des peuples autochtones

Les peuples autochtones du Canada et d’ailleurs ont vécu une perte grave systématique et persistante  de leur pouvoir d’agir, ce qui a de terribles conséquences sociales et des effets dévastateurs sur leur santé, comme en témoigne le nombre impressionnant d’Autochtones dans les services de longue durée, notamment les programmes de désintoxication, les hospitalisations dans les services de santé mentale, et les unités de santé mentale dans le système judiciaire.

Depuis les deux dernières décennies, la plupart des politiques portant sur la santé des Autochtones mettent de l’avant des programmes fondés sur les principes d’augmentation du pouvoir d’agir (empowerment) laquelle est complexe et peut être réalisée à des degrés multiples. Nous pourrions en fait décrire l’augmentation du pouvoir d’agir comme :

  • une orientation des valeurs : une idéologie ou une philosophie qui guide les interventions;
  • un processus qui favorise la participation des individus, des organisations et des communautés à l’atteinte des objectifs en matière de contrôle individuel et communautaire accru, d’efficacité politique, de qualité de vie communautaire améliorée, et de justice sociale;
  • un objectif : les individus et les groupes qui sont marginalisés et opprimés ont une plus grande maîtrise de leur vie et de leur environnement; ils acquièrent des ressources précieuses et des droits fondamentaux; ils atteignent d’importants objectifs de vie et parviennent à réduire la marginalisation au sein de la société.

La recherche participative basée sur la communauté est une stratégie de recherche sur l’augmentation du pouvoir d’agir visant à accroître la conscience critique par l’entremise de personnes générant des connaissances pertinentes afin de résoudre les problèmes les plus préoccupants à leurs yeux. Cela suppose la participation active des individus, qui, ensemble, reconnaissent leurs problèmes, évaluent dans quel contexte social et historique ces problèmes ont évolué, et établissent des stratégies qui leur permettront d’atteindre leurs objectifs, à savoir d’améliorer leur communauté. Dans une telle approche, les personnes développent leurs propres outils de manière à pouvoir agir au sein de leur communauté. Cette perspective ascendante repose d’abord et avant tout sur les besoins tels que déterminés par la communauté et par ses membres, et elle tient compte des pratiques culturelles de la communauté. Les chercheurs jouent le rôle d’accompagnateur afin de générer de plus vastes cadres systémiques pour comprendre des situations données. Ces cadres sont alors utilisés afin de remettre en question la situation et de trouver de nouvelles pistes d’action. De là, le processus lui-même se déroule à la manière d’une spirale, où les connaissances et la compréhension alimentent l’élaboration d’une stratégie, laquelle est suivie par l’action, la réflexion, et une nouvelle compréhension, l’objectif final étant le changement et l’amélioration continus.

Le projet Mirerimowin est un excellent exemple de l’utilisation de la recherche participative communautaire pour comprendre, aborder et améliorer le bien-être des jeunes autochtones, et favoriser l’augmentation de leur pouvoir d’agir.

 

5 commentaires pour "La recherche participative communautaire : un outil pour l’augmentation du pouvoir d’agir des peuples autochtones"

  1. Merci beaucoup pour un article très intéressant sur la recherche participative dans le contexte de la population autochtone. Étant quelqu’un qui commence maintenant à développer des connaissances liées à cette population, je crois que cette méthode est essentielle pour travailler avec la population autochtone pour faire la recherche et pour planifier des programmes pour améliorer leur santé physique et mentale. En effet, je suis de l’opinion que cette méthode pourrait être utile dans toute communauté, surtout au Québec où la population est extrêmement diversifiée. Un chercheur peut connaitre biologiquement, ou statistiquement, les problèmes dans une communauté et les facteurs de risque associés, mais ce sont les membres de la communauté qui comprennent les racines des problèmes. Donc, à l’aide des membres de la communauté, nous pourrions planifier des programmes d’amélioration de la santé qui pourront encourager une plus grande proportion de la population à en participer. Durant plusieurs cours, nous étions présentés avec des exemples de programme « top-down », définit comme étant des programmes crées par les organisations de santé publique sans aide de la communauté, et des programmes « bottom-up », ceux dont le programme est créée par une demande des membres de la communauté. Souvent, les programmes « bottom-up » sont mieux intégrés dans la communauté et sont aussi plus durables, vu le fait que la population est motivée de prendre en charge la problématique en question. Je crois que c’est le cas avec la recherche participative communautaire.

    Le projet Mirerimowin est très intéressant et pertinent pour la population des autochtones. L’utilisation de Photovoice est une méthode créative et novatrice d’encourager les adolescents à discuter des problématiques de leur région. Il est important de travailler avec les adolescents parce qu’ils sont le futur de la communauté. Il est important qu’ils comprennent et apprécient leur histoire culturelle en même temps qu’ils identifient les problèmes pour pouvoir travailler à améliorer leur communauté.

     
  2. J’ai trouvé cet article très intéressant et pertinent . J’enseigne dans une école qui accueille une petite proportion d’élèves venant d’une réserve autochtone, j’ai donc un portrait global de leur communauté et de leur problèmes. Je pense que de leur permettre de développer leur pouvoir dans un monde où ils l’ont perdu est une façon de leur redonner de la force. Le principe de l’empowerment est plutôt complexe, mais je crois que les effets sont beaucoup plus significatifs a long terme, si ce n’est pour la seule raison que les individus sont les principaux acteurs de leur réussite. La participation active a la recherche de solutions, à la mise en place d’objectifs, au développement de leurs propres outils avec l’offre d’un soutient pour les guider, d’une relation égalitaire avec les personnes ressources est gage de plus grand succès que lorsque qu’un groupe de spécialistes  »débarque » avec leurs solutions toutes faites. Solutions qui souvent ne tiennent pas compte des réalités sociales, culturelles,etc…

    Je me permets de faire le parallèle avec la situations des femmes dans certaines régions très pauvres de l’Afrique et de l’Asie. En 2006 est apparue la notion de micro-crédit. Rapidement, cela consiste à faire des petits prêts à des individus, en grande majorité des femmes, pour qu’elles puissent se prendre en main, avoir du pouvoir sur leur vie, se sentir comme une force dans leur société et non comme un fardeau. Un gros problème dans le domaine de la coopération internationale est que les organismes arrivent dans un pays avec leurs solutions, les implantent et ensuite quittent, laissant les communautés complètement démunies. J’ai l’impression que c’est un peu ce qui est arrivé à certains peuples autochtones et il est nécessaire qu’ils retrouvent un sentiment de pouvoir, qu’ils soient actifs dans leur communauté et non des spectateurs qui regardent la parade passer.

     
  3. D’un point de vue historique, la recherche auprès des autochtones a été associée au colonialisme car elle a été imposée et elle était perçue comme inutile, voire dégradante par les communautés. Ici, on peut voir comment la recherche a contribué à la blessure du peuple autochtone et cela nous permet de comprendre pourquoi il existe de nos jours une certaine réticence vis-à-vis le milieu universitaire de la recherche. La pertinence de l’approche participative communautaire avec les premières nations est indéniable si l’on veut reconstruire le lien de confiance qui a été détruit.

    Je crois que le Canada peut être fier d’être l’un des leaders internationaux dans cette approche de recherche. Notamment, nous sommes le seul pays doté d’un institut national, l’Institut de Santé des Autochtones (ISA), qui est dévoué à l’avancement d’une approche holistique et multidisciplinaire à la santé des peuples autochtones et qui vise des impacts positifs dans les communautés à travers les divers projets de recherche qu’ils financent. Par contre, il faut demeurer vigilent de ne pas imposer les valeurs et la culture scientifique dans le processus et bien prendre en compte les savoirs traditionnels. Un autre aspect est la propriété intellectuelle des savoirs produits par ce genre de recherche. Bref, il faut une autoévaluation continuelle afin de s’assurer que l’approche demeure conforme aux principes éthiques et dans le respect des droits de la personne et des communautés.

     
  4. Des facteurs structurels expliquent que les populations autochtones soient les plus touchées par les maladies mentales, comparativement à la population canadienne. La perte du pouvoir d’agir des peuples autochtones est reliée à la perte de l’habileté des populations autochtones à contrôler leurs propres moyens de production. Le colonialisme ainsi que le néo-colonialisme ont détruit les liens sociaux et écologiques vitaux qui permettaient aux individus de se nourrir eux-mêmes, donc d’être autonomes dans leur production. Cela a donc affecté la santé des populations autochtones, à tous les niveaux. Certaines de ces populations ont un manque d’infrastructures de base, comme une pénurie de logements, ou une inadéquation des ressources alimentaires, toutes des caractéristiques de la période coloniale. Les problèmes de santé mentale sont donc un résultat direct de l’oppression et de ces changements socioéconomiques et culturels beaucoup trop rapides et drastiques. La perte du pouvoir d’agir de ces populations est l’expression d’une détresse sociale importante.

    Dans ce contexte, la recherche participative communautaire se révèle pertinente et même nécessaire afin d’améliorer le bien-être des populations autochtones par l’augmentation du pouvoir d’agir. Cependant, pour que cette augmentation soit significative et durable dans le temps, il est nécessaire qu’elle soit accompagnée d’une amélioration des déterminants systémiques et structurels. Ce type de recherche devient donc un outil pour une transformation sociale visant la justice sociale. La recherche participative communautaire devient ainsi politique. Tous les participants, chercheurs inclus, deviennent des militants qui défendent des actions visant les déterminants fondamentaux favorables à la santé des populations autochtones.

    Bibliographie : The Political Economy of Health (Doyal 1979)

     
  5. Merci pour cet article,
    La recherche participative semble particulièrement indispensable lorsqu’elle s’applique aux populations autochtones. Tel que l’a si bien décrit Edward Said, la recherche peut elle aussi entretenir une sorte de néo-colonialisme en contrôlant l’image de l’ « autre ». Le chercheur cherche alors à résoudre des problèmes qu’il a lui-même identifiés et qui dans bien des cas n’ont rien à voir aux problèmes perçus par la population locale. Dans un tel contexte, la recherche incarne le déni de la capacité de ces populations à gérer leurs communautés en des termes et valeurs qui leurs sont propres.

    À cet égard, le terme « empowerment » est utilisé à toutes les sauces dans le contexte politique actuel. À la sauce néolibérale, il se résume à une déresponsabilisation de l’État envers la santé de ses citoyens. Il prend alors une forme individuelle d’autogestion de la santé. Les forces structurelles à la base même de ces problèmes sont ainsi sublimées par l’apologie de l’autodétermination individuelle. À l’opposé, la définition du processus du pouvoir d’agir que vous fournissez souligne clairement que l’ « empowerment » transcende la dimension individuelle. Loin d’être dépolitisé, il incarne le pouvoir d’agir collectif. Son objectif premier est la poursuite de la justice sociale.

     

Laissez un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.




* Champs obligatoires