Proches aidants des personnes âgées : L’urgence d’offrir des services de soutien dès maintenant… et pour les générations futures!

La situation des personnes âgées en perte d’autonomie illustre bien les effets du mouvement global de désinstitutionnalisation. On « maintient » les personnes âgées dans leur milieu de vie en invoquant plusieurs raisons : les coûts prohibitifs associés au vieillissement de la population et à l’utilisation des ressources plus lourdes du système, de même que le désir évident des personnes âgées de vieillir chez elles. Cette orientation découle également, de façon implicite, de la croyance suivante : la famille est une source de soutien qui permettra de « bien vieillir » à domicile. C’est ainsi que les années 2000 se démarquent par une contribution croissante des familles : davantage d’enfants adultes fournissent des soins plus complexes, pendant de plus longues périodes qu’ils ne le faisaient auparavant. Force est de constater que les proches aidants qui assurent, à titre non professionnel, une aide et des soins à leurs parents vieillissants constituent un rouage essentiel de la société.

Toutefois, peu de proches sont préparés à prendre soin pendant de longues années d’un parent âgé en perte d’autonomie. Même si la prestation de soins peut être source de valorisation et de gratification, ce rôle comporte bon nombre de difficultés. Les proches aidants doivent concilier les soins à prodiguer avec leur propre vie professionnelle, sociale et familiale. Perception de stress et de fardeau, détresse psychologique, consommation de médicaments psychotropes et dépression sont ainsi le lot de plusieurs d’entre eux. C’est dans cette perspective que l’urgent besoin de considérer la santé mentale des proches aidants comme une question de santé publique d’importance est de plus en plus reconnue, et ce, dans de nombreux pays.

En dépit de ce constat, les services de soutien offerts aux proches aidants sont encore trop peu nombreux, peu adaptés à des besoins qui évoluent au cours de la longue trajectoire de soins et, selon les études, ont des effets modestes sur leur santé mentale. Aussi les aidants sont-ils souvent réticents à utiliser les rares services existants, notamment les services de répit, les groupes de soutien ou la consultation psychologique. Il est clair que des ressources complémentaires doivent être attribuées pour accompagner ces personnes qui offrent, encore trop souvent dans l’ombre, une contribution inestimable à la qualité de vie des personnes âgées de notre société. L’orientation vers le maintien à domicile des aînés devra inévitablement être accompagnée de mesures de soutien adaptées aux besoins des aidants si l’on souhaite que cette orientation « tienne le coup » pour les futures cohortes. Sinon, qu’arrivera-t-il lorsque tous les baby boomers se seront joints aux rangs des 65 ans et plus? Qui seront les proches aidants de demain et comment seront-ils soutenus?

 

2 commentaires pour "Proches aidants des personnes âgées : L’urgence d’offrir des services de soutien dès maintenant… et pour les générations futures!"

  1. Merci pour ce texte qui reflète une réalité chez les aidants naturels qui s’épuisent à maintenir leurs proches à domicile. Je me questionne personnellement à savoir comment remédier à cette situation. Parce que si les services sont peu offerts, ils sont toutefois existants. Est-ce qu’ils sont peu offerts par manque de ressources financières ou professionnelles des milieux communautaires? Ou par manque de connaissances ou références de services? Les deux causes impliquant des interventions fort différentes. Dans un cas, il faudrait davantage conscientiser le corps médical au dépistage rapide des besoins, tandis que dans l’autre il faudrait investir pour subvenir aux requêtes des proches-aidants.

    Aussi, dans un contexte de coupures budgétaires, il est important de faire valoir que cet investissement serait en bout de ligne économique. Or comme vous le mentionnez, les évidences concernant ce type d’intervention, ne serait-ce que sur les bienfaits individuels des aidants et leurs proches, n’ont qu’un effet mitigé. Le nombre d’étude et la qualité des publications limite et prévient l’application d’une politique publique.

    Pourtant malgré tout, le problème demeure bien réel. Et comme vous le précisez, est appelé à croître. Alors que faire de cette population âgée et vulnérable, que tirer comme conclusion? Avant de couper résolument des offres de service à domicile, ou de renforcer des programmes déjà existants, je crois que des recherches additionnelles sont de mise, afin de mieux cerner les interventions efficaces et l’impact de ces dernières sur la santé mentale, sur le fardeau perçu et sur le risque d’institutionnalisation.

     
  2. Francine Ducharme

    Merci pour votre commentaire. Il faut certainement se questionner sur les pistes de solution concernant la problématique de l’épuisement des proches aidants et celle qui l’accompagne de près, soit celle des services déficients et souvent Inexistants. Il est certain que la situation économique qui prévaut présentement au Québec n’est pas porteuse pour le développement de ressources additionnelles eu égard au soutien à apporter aux proches aidants. De même, la pénurie de personnel professionnel au sein du réseau de la santé et des services sociaux est un autre facteur qui limite les perspectives.

    Par ailleurs, bien souvent, dans le cas où l’on doit forcément limiter les dépenses, des solutions créatives apparaissent. En somme, de nouveaux paradigmes émergent la plupart du temps d’une période difficile. Peut-être faut-il penser autrement? Bien sûr et vous le mentionnez bien, il faut d’abord mettre en lumière les ressources et services existants, notamment les ressources communautaires qui sont disponibles dans plusieurs régions du Québec et qui ne sont pas toutes connues des professionnels, des intervenants et des proches aidants. Mais aussi, il importe d’ajuster les ressources offertes aux besoins spécifiques et singuliers des aidants. Dans ce contexte, une évaluation systématique des besoins de soutien des proches aidants s’avère nécessaire… au même titre que sont évalués les besoins des personnes âgées en perte d’autonomie dont ils prennent soin.

    Tout comme cela se fait dans d’autres pays, les professionnels de la santé qui côtoient au quotidien les proches aidants devraient évaluer leurs propres besoins de sorte que les services et soins fournis soient cohérents avec ces besoins. De nombreux proches aidants nous ont confié, dans le cadre de nos travaux de recherche, ne pas avoir recours aux services pour la bonne raison que ceux-ci ne correspondent pas à leurs besoins. Par exemple, pourquoi offrir un bain à 14 heures l’après-midi à la personne âgée quand le besoin urgent du proche est d’avoir une période de répit pour pouvoir continuer dans ce rôle exigeant? Et pourquoi l’offrir quand la personne âgée refuse l’aide de personnes extérieures surtout à l’heure de la sieste? N’y a-t-il pas lieu d’avoir une discussion, en partenariat avec les aidants, afin de déterminer leurs besoins? Ne sont-ils pas les experts de leur réalité difficile au quotidien?

    Prendre en compte les besoins prioritaires de proches aidants, selon une approche de partenariat et bien avant que l’épuisement ne se fasse sentir permettrait certainement d’économiser sur certains services et permettrait de prévenir la détresse psychologique et tous les coûts qui en découlent… un investissement comme vous le soulignez. Par ailleurs, il importe de baser les interventions de soutien offertes aux proches aidants sur des résultats probants découlant d’études rigoureuses. Trop souvent, des initiatives louables sont mises de l’avant sans aucune évaluation et les résultats sont temporaires et ne persistent pas avec le temps, des solutions encore une fois coûteuses. Des programmes psychoéducatifs ayant fait l’objet d’études évaluatives sont disponibles au Québec et offrent des pistes pour favoriser la qualité de vie des proches aidants. Qu’attendons-nous pour offrir ce genre de programmes en lieu et place d’autres interventions qui n’ont pas fait leur preuve? Il faut définitivement changer de paradigme et faire autrement.

     

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