La psychothérapie, est-ce que ça fonctionne vraiment?
Je me plais à affirmer que la psychothérapie est le traitement qui, de tout temps, a fait l’objet du plus grand nombre de recherches. Les données scientifiques abondent sur le sujet, et l’accès à un si grand nombre de données permet aux chercheurs de commencer à les compiler sous forme de ce que l’on appelle communément « revue systématique ». En fait, il y a tellement de données, qu’en sus des revues systématiques, nous pouvons également faire des revues de revues systématiques. Mon but ici n’est pas de décrire l’une ou l’autre de ces revues en détail, mais bien de faire ressortir les traits qui les caractérisent et de traduire ces éléments en des termes accessibles à tous.
Globalement, on estime que l’ampleur de l’effet de la psychothérapie est de 0,80 lorsqu’on la compare à l’absence de traitement. Bien sûr, à moins que vous ne soyez chercheur ou docteur en psychologie, cela vous interpelle sans doute autant que le font à mes yeux la plupart des théories de physique quantique. L’ampleur de l’effet se définit comme étant la quantification de l’amplitude ou de la portée de l’effet d’une intervention; une manière facile de s’y retrouver est de considérer une ampleur d’effet de 0,20 comme étant petite, de 0,50 comme étant moyenne, et de 0,80 comme étant grande. Bref, la psychothérapie a un grand effet.
Il demeure néanmoins difficile de saisir le sens de cette donnée statistique. Une solution simple consiste à traduire l’ampleur de l’effet en une donnée plus significative. Par exemple, une ampleur de l’effet de 0,80 signifie que, en moyenne, la personne qui suit une psychothérapie se sent mieux que 79 % des personnes qui n’en suivent pas. Cela signifie également que le taux de réussite chez les personnes suivant une psychothérapie serait de près de 69 %, comparativement à un taux d’un peu plus de 30 % chez celles qui n’en suivent pas. Voilà des données qui parlent d’elles-mêmes.
En rédigeant ce blogue, j’ai dû m’arrêter au moins une dizaine de fois pour me moucher. Je me suis réveillé fiévreux, courbaturé et affublé de tous les symptômes d’une vilaine grippe. Alors, à quoi bon m’être fait vacciner contre la grippe? La réponse est en fait très simple : le vaccin aide vraiment, et c’est pourquoi votre médecin de famille le recommande, tout comme la plupart des organismes de santé du Québec et du Canada. Un type de données statistiques qui aide à illustrer ce fait est le ratio interventions/bénéfices (RIB), soit le nombre moyen de personnes qu’il faut traiter pour qu’une personne tire des bienfaits d’un traitement donné. Une intervention très efficace se traduit donc par un ratio interventions/bénéfices (RIB) très bas.
Le vaccin contre la grippe a pour sa part un RIB de 12. Voilà pourquoi on le recommande fortement et on en fait activement la promotion. La psychothérapie, quant à elle, a un RIB de 3. Cela porte à réfléchir, non?
Partager | |
2 commentaires pour "La psychothérapie, est-ce que ça fonctionne vraiment?"
Bonjour M. Drapeau,
je pense que, malgré l’hyper grand nombre d’études pour évaluer l’efficacité ou plutôt l’effet de la psychothérapie, il est beaucoup plus difficile d’évaluer de façon ‘objective’ ou factuelle, l’effet interventions-bénéfices RIB pour un vaccin contre la grippe et le RIB psychothérapie. À mon humble avis, je pense qu’on ne devrait jamais ou le moins possible, comparer le RIB d’un vaccin contre la grippe et l’investissement-promotion qu’on en fait, au RIB psychothérapie, infiniment plus complexe…
À première vue, bien sûr,jcar e ne suis pas une spécialiste.
Avec mon admiration pour votre implication au niveau de ces recherches,
Nicole Anne Cloutier, psychologue
depuis 1976 et psychothérapeute
Merci pour vos bons mots! Pour répondre à votre commentaire, tout à fait pertinent, je suis tenté de vous amener sur un autre terrain et ainsi à aborder la question sous un angle différent. Il est vrai que la psychothérapie est un processus complexe. Il est vrai aussi que nous comprenons encore mal les processus qui sous-tendent une psychothérapie réussie. Mais l’efficacité d’une psychothérapie peut être mesurée, donc affirmée ou réfutée, dans la mesure où nous nous fions, ne serait-ce qu’intuitivement, à certains indicateurs pour déterminer si l’issue psychothérapique est satisfaisante ou non, ce quasi indépendamment des processus qui auront mené à ce résultat. Notre clientèle en fait d’ailleurs autant! Tout relève ainsi des choix que nous faisons, comme professionnel, pour évaluer l’issue et, plus important encore, quels critères notre clientèle utilise, que ce soit la sévérité des symptômes, la présence ou non d’un trouble diagnosticable, la satisfaction au travail ou dans les relations interpersonnelles, la capacité à avoir une vie amoureuse satisfaisante, ou autre. Dès que nous avons de tels indicateurs, quels qu’ils soient, et que notre clientèle en a aussi, nous pouvons traduire l’effet de la thérapie en taille d’effet, en RIB, ou en tout autre concept qui permette de rendre compte de la situation. En ce sens, nous pourrions calculer une taille d’effet ou encore un nombre de patients à traiter pour divers indicateurs d’issue thérapeutique. J’ai souvent abordé ces questions dans mes textes ainsi qu’ailleurs, comme dans ce vidéo par exemple.
Un dernier point, qui n’est pas à négliger. Les professionnels en santé mentale, les psychologues surtout, tendent à penser tout en nuances, en « teintes de gris ». Il nous est parfois difficile de délaisser les teintes de gris et oser parler en noir et blanc, donc d’affirmer. Et pourtant, pour ce qui est de l’efficacité de la psychothérapie, les données sont claires. Il ne faut donc pas hésiter à comparer ce que nous offrons à ce qu’autres offrent puis à diffuser nos conclusions, ce d’une façon qui soit compréhensible par tout un chacun, simple et sans ambiguïté : la psychothérapie, ça marche. Point. A vous maintenant de le dire!
Au plaisir de lire vos commentaires!
Laissez un commentaire
Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.