Les conditions de pratique en psychothérapie : la situation actuelle et la rémunération demandée

Je l’ai déjà affirmé, et je le redis ici : si on veut permettre l’accès à la psychothérapie, il faut remplir un certain nombre de conditions, l’une d’entre elles étant qu’il faut offrir aux professionnels des conditions de pratique qui favorisent leur adhésion au programme. Et qui dit conditions de pratique, dit rémunération.

Au Québec, on le sait déjà, la santé mentale tend à être dramatiquement sous-financée. On manque d’argent (rappelons quand même que de permettre l’accès à la psychothérapie pourrait ultimement représenter des économies importantes). Il n’est donc pas surprenant que lorsque je fais la promotion de l’accès à la psychothérapie, on me reproche — et je cite — que « c’est uniquement pour que les psys se remplissent les poches comme les médecins le font déjà ».

Lorsque nous avons mené nos enquêtes auprès des psychologues et psychothérapeutes pour connaître leur avis quant à l’accès à la psychothérapie, nous leur avons demandé combien ils aimeraient être payés. Mais pour savoir s’ils verraient dans un programme d’accès à la psychothérapie financé par l’État une occasion de « se remplir les poches », nous avons précédé notre enquête par une série d’autres études visant à tracer un portrait fidèle de la situation de ces professionnels.

Au moment de l’enquête, les psychologues et psychothérapeutes demandaient en moyenne 95,10 $ (médiane = 87,50 ET = 16,69) pour une séance de thérapie individuelle d’environ une heure. Quelques mois plus tard, nous leur avons demandé combien ils aimeraient recevoir de l’État si celui-ci devait assurer les coûts de la psychothérapie. Nous leur avons proposé deux scénarios : un premier selon lequel ils pourraient fixer leur propre tarif et se faire rembourser une partie de ce montant par l’État et un second selon lequel l’État déterminerait un montant fixe par séance. Dans le premier scénario, le montant demandé était de 87 $ (ET = 15,21); dans le second, il était de 100 $ (ET = 17,79).

La conclusion? D’abord, le premier scénario, selon lequel les psys pourraient fixer leur propre tarif et se faire rembourser une partie de ce montant, serait moins coûteux (et était aussi plus fortement endossée) qu’un scénario avec un paiement fixe par séance. Mais plus important encore, les psys ne chercheraient pas, avec un programme d’accès à la psychothérapie, à s’enrichir davantage; ils demanderaient la même rémunération, sinon moins, que ce qu’ils gagnent déjà. Rappelons par ailleurs que les psys du système public sont sous-payés et que les internes en psychologie ne reçoivent aucune compensation, faisant d’eux les seuls en Amérique du Nord à ne pas être rémunérés pour leur travail. Difficile de remettre en question leur dévouement, et difficile d’affirmer que leur motivation première est l’argent…

 

3 commentaires pour "Les conditions de pratique en psychothérapie : la situation actuelle et la rémunération demandée"

  1. La psychothérapie est encore malheureusement perçue comme facultative parmi les soins de santé en général. L’accès à la médication pour soulager les symptômes se voit de plus en plus privilégié. Il faut que les changements soient rapides dans notre monde d’aujourd’hui, ce qui est malheureux car ce qui se change vite n’est que superficiel. Une meilleure connaissance des effets d’une bonne psychothérapie à long terme doit faire l’objet d’un processus de sensibilisation auprès de la population, mais encore plus chez les employeurs et les membres des gouvernements. Le Collège des médecins devrait également être forcé à inclure l’expertise des psychologues dans la direction à donner aux soins. Le médecin ne peut prétendre tout soigner, l’âme et le corps.

     
  2. À quel moment a eu lieu cette enquête ? Je suis très surprise du faible tarif souhaité par mes collègues. Je travaille en bureau privé à 120$ l’heure et songe à augmenter. J’ai plus de 25 ans d’expérience, je perfectionne ma pratique (par des formations et de la supervision), je fais des lectures, me tiens à jour et j’ai un doctorat (ayant fait une dizaine d’année d’université). J’offre un service de grande qualité et je ne peux pas recevoir 40 clients par semaine si je veux avoir une pratique équilibrée. J’en vois environ 25 par semaine, me faisant un tarif de 75$ réparti sur une semaine de 40 heures. De plus, les frais de bureau sont importants. Comment peut-on toujours s’évaluer à la baisse plutôt que reconnaître que nous sommes les spécialistes de la santé mentale au Québec et que nous valons franchement plus que ça ! Si nous même évaluons notre valeur à la baisse, la reconnaissance par l’état et le public sera impossible !!!!

     
  3. Martin Drapeau

    Nos données ont été colligées à l’automne 2014 et l’hiver 2015. Le tarif moyen est en effet très bas, mais il faut reconnaitre cependant que l’écart type est assez important, si bien qu’il y a beaucoup de variations. Par exemple, les psys qui offrent de la thérapie cognitive comportementale tendent à charger plus cher, tout comme ceux détenant un doctorat, et les psys anglophones (comparativement aux psys francophones).

    Nous rapporterons les détails de nos enquêtes dans une série d’articles scientifiques. Dans l’un de ces articles, présentement en expertise, nous notions par ailleurs ce qui suit :

    “The average amount charged per hour for individual therapy was $95.10 (SD = 16.69), with a range of $45.00 to $160.00. While the average is in line with what the OPQ reports ($80 – $120 per psychotherapy hour, this is much lower than what is recommended in other provinces, even in those with a master’s level licensing requirement (see Canadian Psychological Association, 2015; note that approximately 3 in 4 psychologists in Quebec practice with a master’s degree, as the doctorate became mandatory only in 2006) such as $180 in Alberta (Psychologists’ Association of Alberta, 2014), $170 in Nova Scotia (Association of Psychologists of Nova Scotia, 2012), $160 in Saskatchewan (Psychology Association of Saskatchewan, 2011) and $150 in New-Brunswick (College of Psychologists of New Brunswick, 2015).

    A possible explanation for this may be the fact that Quebec has by far the largest number of registered psychologists compared to other Canadian provinces (with a ratio of 95 psychologists per 100,000 inhabitants, while the Canadian average is 58 per 100,000 inhabitants; Statistics Canada, 2009), making the rates for services more competitive. The highest fees for the present sample were associated with couple/marital therapy and family therapy, both with an average cost of $107 per hour. Approximately 20% of the participants indicated that they have offered psychotherapy services at no cost, and 27% indicated offering psychotherapy services on a sliding scale.”

     

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