Préparation à la naissance : n’oublions pas la santé mentale !

Depuis 2005, le Québec vit un mini-baby-boom : le nombre de naissances a augmenté, notamment chez les femmes de 25 à 39 ans[1]. Dans une grande proportion des cas, il s’agit d’une première naissance.

Les nouveaux parents ont plus que jamais accès à une gamme de ressources pour les aider à vivre la grossesse et à se préparer à l’arrivée du nouveau-né. En plus des suivis médicaux et des cours prénataux, l’Internet et les réseaux sociaux offrent aux futurs parents un soutien sans précédent pour se renseigner et échanger à propos des hauts et des bas de la grossesse et de la maternité. Des instructeurs d’activités prénatales, telles que le yoga ou l’aquaforme, assurent la préparation prénatale physique des futures mères et leur prodiguent également des conseils en matière de nutrition. Lors de ces activités, on aborde souvent les malaises physiques fréquents chez la femme enceinte (p. ex. nausées, jambes lourdes, douleurs au dos) ou encore les difficultés liées à l’accouchement et à l’allaitement. Malheureusement, on discute peu des risques de développer des symptômes dépressifs, comme le blues postpartum, et encore moins de la dépression prénatale. Pourtant, des symptômes dépressifs sont détectés chez près de 75 % des mères, et la dépression majeure les atteint aussi, mais dans une plus faible proportion.

Malgré l’existence de ressources destinées aux futurs parents, certaines femmes y ont peu accès, notamment les futures mères de jeune âge, les immigrantes récentes, les femmes en situation financière précaire, celles qui n’ont pas de conjoint ou, encore, celles qui vivent dans un environnement violent et instable. Leurs préoccupations personnelles sont parfois si importantes qu’elles négligent leurs besoins nutritionnels, l’adoption de saines habitudes de vie et leur bien-être. Ces femmes sont souvent vulnérables et plus sujettes à éprouver des problèmes de santé mentale durant et après la grossesse.

Les conséquences sont importantes : le bien-être de la mère et le lien d’attachement avec l’enfant après la naissance sont menacés, et la vie familiale des nouveaux parents peut être affectée. De plus, la dépression rend la mère plus à risque d’avoir des épisodes dépressifs lors des maternités suivantes.

Sachant l’importance du bien-être mental durant la grossesse et les mois qui suivent, que pouvons-nous faire pour mieux préparer les futurs parents à cet effet?


[1] Girard, C. (2010). Les naissances au Québec en 2009 : plus de bébés, même fécondité. Coup d’œil sociodémographique, 3, 1-4.

 

3 commentaires pour "Préparation à la naissance : n’oublions pas la santé mentale !"

  1. L’identification de mères en dépression n’est pas simple. La littérature scientifique, avec ses statistiques catastrophiques, ne donne pas un portrait réaliste de la situation. Il est vrai que 10 à 15% des nouvelles mamans présente un tableau anxio-dépressifs. Mais, dans les faits, peu de ces tableaux cachent une dépression « vraie ».

    Sur 10 femmes en consultation au service d’évaluation et de traitement des dépressions post-partum:

    – 7 présentent, en fait, un trouble anxieux situationnel secondaire à des attentes maternelles irréalistes. Ces jeunes mamans ont des standards maternels irréalistes. La représentation qu’elles se font des besoins d’un nourrisson et de leur rôle les conduit à une sorte d’esclavage qui ne laisse pas de place à leurs propres besoins. Il faut aussi constater que ce problème survient chez les mamans d’un premier enfant et qui ne sont pas épaulées par une maman plus expérimentée qui pourrait les aider à revenir à la réalité. Les symptômes dépressifs sont alors généralement secondaires à l’anxiété et au manque de sommeil. Après 3 jours de bon sommeil, ils disparaissent.
    (Dans ces cas, l’intervention est brève. Le psychologue bouscule les standards et incite la mère à s’occuper de ses besoins. Il l’invite également à joindre un groupe de soutien ou à s’approcher d’une maman expérimentée, en qui elle a confiance, pour confronter ses standards et ses craintes.)

    – 2 autres mamans ont, en fait, des problèmes conjugaux. Elles affrontent la maternité avec le sentiment qu’elles ne seront pas soutenues dans leur rôle par un conjoint fiable.
    (Ce tableau risque, plus que le premier, de tourner en dépression vraie. Le counseling de couple est souvent la meilleure approche)

    – Une seule maman présente une dépression vraie qui commandera une intervention médicale et psychologique soutenue.
    (Dans ces cas, une des premières mesures consiste à rencontrer le père et les autres membres de la famille déjà impliquée pour expliquer ce qu’est une dépression et ce qui doit être fait pour répondre aux besoins de la mère et du nourrisson. L’objectif principal est de trouver une mère de remplacement avec laquelle le bébé pourra commencer à étayer son répertoire d’attachement.)

     
  2. Qu’il s’agissent de Blues du post-partum, de dépression postpartum ou de symptômes anxio-dépressifs, force est de constater au regard des deux articles sus mentionnés que les perturbations de la santé mentale des femmes dans la période périnatale est une réalité. Cette réalité est d’autant plus grande qu’elle intervient dans un contexte de « mini baby boom» survenant chez des jeunes mères qui sont généralement à leur première grossesse. Cependant, cette réalité semble être ignorée pour diverses raisons. Il seraient donc nécessaire, d’inclure dans les interventions déjà existantes dans la préparation des futurs parents, la composante santé mentale à travers la formation des animateurs de ces interventions. Il faut aussi la sensibilisation des jeunes mères ainsi que leur conjoint. Ceci permettra non seulement de faire de la prévention primaire mais aussi de les emmener à demander de l’aide en cas de besoin. S’agissant des femmes plus vulnérables, il serait opportun d’inclure la santé mentale dans de la formation des animateurs des visites à domicile et dans leur paquet minimum d’activités dans le cadre du programme services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance (SIPPE). Il est aussi tout à faire normale qu’après une si longue période caractérisée par une limitation des naissances au sein de la population que les mères expérimentées et les aidants naturels perdent le réflexe d’aider systématiquement la jeune génération. Il conviendrait alors de les sensibiliser et de les mobiliser pour un soutien aux jeunes parents sans toute fois se mixer dans leur vie privée.

     
  3. Bravo pour ces articles et commentaires qui sont tout à fait pertinents. J’ajoute que même si on travaille dans le système de santé, les préjugés demeurent le pire ennemi du malade. Ce sont nos propres préjugés qui nous empêchent de consulter.

    J’ai vécu une dépression majeure qui n’a pas été diagnostiquée à la naissance de mon premier bébé en 2005. Tel que décrit, je me sentais l’esclave de ma fille et j’avais peu d’aide de mon entourage. Au contraire, ceux-ci, ainsi que les intervenants du CLSC qui me rappelaient régulièrement combien il était important que j’allaite et que 99% pouvaient le faire exclusivement alors que je ne réussissais pas à offrir suffisamment de lait à mon bébé pour qu’elle grossisse. Je croyais que je ne cadrais pas dans les critères dépressifs et qu’un peu de sommeil allait m’aider, mais je n’avais aucune aide pour pouvoir dormir (bébé criait continuellement et mon entourage, incluant mon époux, avait peur de la prendre) et j’étais mal à l’aise de demander de l’aide au CLSC où je travaillais d’autant plus que je ne voyais pas sous quel programme j’aurais pu être aidée à ce moment-là. Il y aurait eu les marraines coup-de-pouce, mais je ne les connaissais pas et j’avais peur d’être jugée ce qui est une perception décuplée par la dépression.

    Au second accouchement, j’ai failli mourir ce qui m’a permis d’avoir de l’aide du CLSC pendant les trois semaines au cours desquelles je ne pouvais que me rendre seule du lit aux toilettes et allaiter. Ces trois semaines de repos m’ont permis d’apprécier mon bébé qui, contrairement à la première, dormait plusieurs heures d’affilées. Malheureusement, elle a cessé de dormir à mon retour en emploi. Je me suis mise à pleurer et à me voir négativement ce qui a affecté énormément mes interactions au travail. J’en suis venue à faire des actes incompétents alors que je suis loin de l’être. J’ai alors reçu un diagnostique de dépression sévère. Je voulais mourir.

    Comme ma gynécologue m’avait dit que je pouvais mourir si je retombais enceinte, je me suis arrangée pour que ça arrive. C’est là que j’ai réellement été prise en charge. Aujourd’hui, j’apprécie enfin ma vie de maman de trois filles. J’espère pouvoir reprendre un emploi à temps partiel et revivre.

     

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